La Fondation DK
Les Dix
Commandements de la Vie Quotidienne 7
Consacrez votre
temps et vos efforts au monde en général: par exemple, ramassez des détritus
tous les jours, donnez à manger aux oiseaux, procurez de l'eau pour les
animaux, plantez quelque chose – évitez que la seule chose qui vous
motive soit la reconnaissance d'autrui et l'attente de récompenses.
L'une des plus
grandes causes de pauvreté spirituelle dans notre vie quotidienne tient
au fait de ne pas prendre de responsabilité dans ces domaines de la vie,
physique et psychique, qui ne sont pas directement du ressort de notre
responsabilité personnelle parce que nous les partageons avec autrui. Néanmoins,
nous avons une influence sur eux tandis que nous y sommes impliqués, et
ils ont un impact sur nous dans la mesure où ils constituent la toile de
fond de notre vie personnelle.
Nous gardons
nos foyers et nos jardins soignés, mais nous considérons la rue où nous
habitons comme placée sous la responsabilité de "quelqu'un d'autre".
Plutôt que de ramasser quelques détritus, nous dépensons une énergie
considérable à nous plaindre de la saleté et à condamner ceux qui ne
partagent pas nos valeurs. Ce scénario mène tout droit aux accusations.
Les détritus ne constituent plus un problème commun créé par le vent
– qui n'y peut rien – et résultant simplement de l'énorme volume
d'emballages générés par les magasins d'alimentation; Ils
proviennent de la méchanceté d'une armée de voyous invisibles
qui mangent des tartes à la confiture dans la rue au milieu de la nuit et
laissent traîner les emballages. Une telle idée nous fait nous sentir
vulnérable, et nous plaçons un verrou supplémentaire sur la porte
d'entrée et les vitres de la voiture restent levées. Et le problème
consistant à partager sur notre planète devient plus aigü et plus
oppressant.
S'il y a bien
quelque chose illustrant la mentalité séparative et la conscience du
centre sacré, c'est cette présentation rigide des choses qui sont
miennes et de celles qui appartiennent à autrui au sein de notre
environnement. C'est cette mentalité qui crée les déserts de la vie
moderne, lesquels à leur tour deviennent des terrains fertiles pour la
peur.
En Angleterre,
île à présent tellement peuplée, nous vivons une vie sans joie dans de
petits espaces aux prix exhorbitants, derrière nos verrous et nos alarmes,
nourrissant l'idée que d'autres cherchent à nous envahir, et devenant de
plus en plus paranoïaques et sur la défensive. Nous ressemblons aux
poulets d'élevage industriel, serrés les uns contre les autres, chacun
se retournant vers son voisin pour lui donner des coups de bec, par manque
de confiance et par crainte. La foi qui est la nôtre s'est tournée vers
la législation, et un tel état des choses fait penser à l'enthousiasme
imprudent manifesté par ceux qui sont fragiles physiquement pour les
sports de contact violent. Plus nous permettons que la vie soit gouvernée
par la législation et la coercition, moins nous consacrons de temps à
faire usage d' imagination et d' intelligence compatissante lorsqu'il
s'agit de répondre aux besoins propres à cette sphère de la vie
autrefois reconnue comme la communauté.
Ainsi nous
attendons que le balayeur passe, ce qu'il faisait autrefois chaque
quinzaine, pour tout nettoyer derrière les vandales ayant laissé traîné
les sachets sur la route; Nous attendons que "quelqu'un d'autre"
nettoie la campagne où passent nos promenades favorites. Pour ce qui est
des vasques à oiseaux, leur fonction, semble-t-il, est devenue purement
ornementale étant donné que c'est très rarement que l'on y trouve de
l'eau, particulièrement par temps très chaud lorsque flaques et bassins
sont complètement asséchés. Nous attendons que "quelqu'un d'autre"
signale les cas de négligences envers les animaux en pleine rue, ou
encore nous informe sur le vieil homme de l'autre côté de la rue que
l'on n'a pas revu depuis des semaines, est-il mort ou vivant?
Quand on parle
en public de telles tendances séparatives, on le fait de façon trop émotive
et en profitant de telles preuves pour dénoncer l'indifférence à l'égard
de sort des voisins. C'est peut-être bien de l'indifférence et du manque
de cœur mais c'est certainement ancré dans un sentiment d'impuissance.
Nous ne croyons pas vraiment que quoi que ce soit que nous fassions puisse
avoir un effet positif.
C'est ce
sentiment d'impuissance qui nous fait craindre de nous mêler de la vie
d'autres personnes, au cas où nous ne pourrions plus contrôler la
situation par la suite.
Nous nous
rendons impuissants lorsque nous faisons confiance à la loi et aux règlements
qui doivent garantir les valeurs et conditions que nous désirons.
Apparemment, il ne nous viendrait pas à l'idée que si nous élargissions
notre sphère d'influence et nous engagions davantage dans des domaines de
vie extérieurs à ceux ressortant manifestement de notre propre
responsabilité, alors il y aurait moins de ces choses qui dépendent
"des autres" et constituent pour nous une menace.
Prouvez-le à
vous-même. Nettoyez les détritus dans votre rue et observez si, au
bout d'un certain temps, cela n'encourage pas d'autres personnes à se
montrer plus proactives à ce niveau. Montrez votre sens des responsabilités
par rapport à quelque chose qui correspond à un besoin dans votre
localité, et voyez si cela n'encourage pas des attitudes plus
constructives et une conscience des choses plus étendue.
Tandis que vous
faites ceci, ne recherchez pas les remerciements, ni l'accord ou
l'enthousiasme des gens qui vous disent être de votre côté. C'est
passer à côté de la question. En fait, moins vous en ferez une affaire,
mieux ce sera; Passez simplement à l'action tout naturellement, forts de
la connaissance suivant laquelle ce doit être fait, et frappez
silencieusement un grand coup en suscitant des initiatives individuelles
intelligentes prises depuis un niveau de responsabilité.
Comme le dit
mon ami Reshad Feild, "Nos mains sont les seules mains dont Dieu
dispose."
Et si vous
oubliez quelque chose et offensez quelqu'un, alors excusez-vous pour cet
oubli et reprenez les choses en main. Mais abandonnez cette approche timorée
de la vie qui consiste à passer sur la pointe des pieds devant objets et
situations qui auraient bien besoin de notre attention. Nos vies sont stériles
non pas parce que nous sommes sans cœur, mais parce que nous nous détachons
des choses, de crainte de faire faux et d'offenser. Bridées par la législation,
l'imagination et la compassion flétrissent.
Ma voisine voit
d'un mauvais œil ces quelques pigeons qui se rassemblent sur le toit dès
le lever du jour. Elle ne vit pas dans la localité depuis suffisamment
longtemps pour se souvenir du temps où ces oiseaux étaient soignés dans
des cages à poules. Et même si elle s'en souvenait, son attitude ne
changerait pas. Quand leur propriétaire a déménagé, ces oiseaux furent
mis dehors et durent se débrouiller par eux-mêmes; à
présent, ils vivent en compagnie d'une flopée d'animaux abandonnés, au
voisinage du cimetière, l'endroit le plus proche de là où ils vivaient.
Je me fais du souci pour ces oiseaux qui disposaient autrefois d'un refuge
et qui pendant des années étaient nourris deux fois par jour; Maintenant
ils doivent se débrouiller, et ce n'est pas facile en hiver. Ma jeune
voisine se préoccupe de sa luxueuse voiture et semble penser que les excréments
de pigeon ont les mêmes propriétés que les pluies acides. Nous avons réglé
cette question sans faire de drame et sans irritation parce qu'elle a eu
le bon sens de me contacter franchement, plutôt que de ronchonner en
direction des voisins, et je respecte sa préoccupation pour sa voiture
qui, à ma connaissance, représente ce qui a le plus de valeur parmi tout
ce qu'elle possède. Nous avons toutes deux un système de valeur si différent
que nous ne verrons jamais la vie de la même façon, mais cela n'a pas
d'importance. Ce que nous avons suffit: l'engagement de préserver la
qualité de l'espace partagé, respect et responsabilité, et le sentiment
d'être moins impuissant. à
présent, je porte de la nourriture au cimetière, même si je ne peux pas
entrer parce que le portail a été enlevé il y a deux ans et remplacé
par un mur haut de 2 mètres ornés de pointes.
Prenez des
risques, revenez à la vie, placez quelque chose de positif dans l'espace
où tous nous vivons, espace qui devient vite un désert si personne ne
s'engage. Quand le problème du partage sur notre planète prend
d'immenses proportions et nous devient oppressant, c'est un signe que rien
ne va plus spirituellement, parce que ce que nous offrons à la communauté
est la mesure de ce que nos personnalités, dans toute leur richesse,
offrent à l'âme.
Suzanne Rough
juin
2006